Malgré le lourd passif du Directeur Général des Services honni par ses anciens collaborateurs pour son management par la terreur, le CJL a été alerté de sa promotion par la Mairie du XX dirigée par Frédérique Calandra. Au lieu d’être sanctionné, Didier Conques se retrouve parachuté à la Direction des Espaces Verts et de l’Environnement causant la stupéfaction des représentants du personnel.

Suite à ses enquêtes sur la gestion du personnel par la terreur et le racisme, le CJL a pris connaissance des adieux adressés par Didier Conques, ex Directeur Général des Services (DGS) aux agents de la mairie du 20ème arrondissement de la capitale. Bras droit de Frédérique Calandra (PS), maire de cet arrondissement populaire de l’est parisien, Didier Conques avait été suspendu de ses fonctions à la suite des révélations du CJL – La publication de notre enquête avait également entraîné l’ouverture d’une enquête de l’Inspection Générale  mais contre toute attente, face aux accusations portées contre lui, Mr Conques se voit gratifier d’une promotion. Nous sommes allés à la rencontre des agents municipaux éplorés par le départ définitif de ce grand commis de l’état. 

« Conques dans le 20ème, c’était Tintin au Congo ! »

Mairie du 20 : affaire Sabine Vorin, suite et fin ? 
C’est via sa messagerie électronique professionnelle que Didier Conques, âgé de 60 ans, a tenu à  officialiser son « départ » de la mairie du vingtième arrondissement de Paris. Pour beaucoup, il s’agit d’une nouvelle sans surprise. 

Absent depuis le 14 novembre 2018, le désormais ex Directeur Général des Services avait fait déménager son fauteuil en cuir, décroché les tableaux de son bureau car il s’était vu « déchargé de ses missions » suite aux révélations  du CJL (ici, ici et ) reprises par le journal Le Parisien, et le site d’information Streetpress, en raison aussi de l’intervention de Danielle Simonnet au Conseil de Paris, des actions conjuguées de plusieurs syndicats et de l’indignation sur les réseaux sociaux. Ainsi la mi-novembre sonnait le glas de son unique expérience de haut responsable administratif dans cet arrondissement multiethnique. « Conques dans le 20ème, c’était Tintin au Congo ! » ironise ce fonctionnaire reconverti dans le privé. 

Un message d’adieux qui ne dupe personne

En réaction au courrier électronique dans lequel Didier Conques fait ses adieux et dont le CJL a obtenu une copie, un ex syndicaliste commente:

« Conques essaye de sortir la tête haute mais personne n’est dupe. Il a été éloigné avant les élections municipales car ça commençait à sentir ! ». 

Les destinataires ont ainsi pu lire ce qui suit :

« Mesdames et Messieurs Bonjour, (…) je quitte ce jour mes fonctions de DGS pour devenir Chef de la Mission sécurité et gestion de crise de la direction des espaces verts et de l’environnement (DEVE) (…) C’est avec une grande émotion que je vous ai tous salués une dernière fois le 14 novembre (…) J’ai souhaité amélioré vos conditions de travail pour vous aider à accomplir vos missions dans un cadre plus agréable ».

« La blague ! » laisse échapper ce fonctionnaire anciennement sous l’autorité du DGS « Il fait aménager les caves de la mairie en locaux pour l’équipe d’agents au bas de l’échelle, et ça nous parle de cadre idéal de travail ?! Depuis qu’il a été éjecté, comme par hasard le transfert dans la cave a été annulé ! Ça a coûté combien ces travaux? 150 000 euros ? Il voulait nous remiser dans la cale du navire comme des esclaves.”

Cette métaphore n’est pas sans rappeler les témoignages recueillis par notre consœur du Parisien le 13 novembre 2018 : 

« Monsieur C. s’en prend aux personnes de couleur, c’est connu (…) Il me disait « On m’a mis ici pour mettre de l’ordre, remettre du “Blanc” dans tout ça ». Des propos racistes que Monsieur C. aurait également tenus au cours de cérémonies. « À un mariage mixte, unissant une jeune femme blanche à un homme d’origine africaine, il a dit que c’était “contre-nature” », venant du fervent militant du mariage pour tous que se targue d’être Didier Conques, ces propos laissent songeur…

Des propos qui font eux-mêmes échos aux articles de 20 Minutes de septembre 2014: 

«  Abdou était agent de logistique générale. Mais quand Monsieur C. est arrivé, il a estimé qu’Abdou avait le profil d’un videur. Parce qu’il était noir et costaud ».

Une autre scène avait particulièrement marqué les employés (…) ” Les Rroms étaient dans la salle des fêtes, Monsieur C. s’est pincé le nez : « ils sentent fort ces gens-là ». Il nous a ensuite demandé de surveiller pour qu’ils ne volent rien (…) ». 

Depuis nos enquêtes, les langues se sont déliées et les agents qui s’estiment libérés de la terreur de Didier Conques ont partagé d’autres témoignages comme son refus de titulariser un fonctionnaire au motif qu’il avait “un fort accent africain”. 

Dans une note interne consultée par le CJL, le lecteur découvre les raisons évoquées par Didier Conques à François GUICHARD -directeur de la DUCT- pour refuser l’offre d’un Contrat à Durée Indéterminée à un stagiaire nommé Mr B., né en 1962 en Mauritanie, ce qui semble être un défaut pour l’auteur: 

« Mr B. doit absolument faire des efforts de présentations et de diction (…) Nous lui avons demandé de montrer un peu d’énergie (…) de s’appliquer à se faire comprendre » et de poursuivre: « Mr B. doit absolument se départir de son apathie et de sa nonchalance (…) »

Il s’agit pourtant du même individu qui aurait jadis déclaré : « Je n’ai aucun préjugé et je suis défenseur de toutes les libertés. Je suis quelqu’un qui a été rejeté et je sais ce que c’est… ». 

A l’évocation de cette situation, cet ancien collègue de Mr B. tempête : 

« Accent, pas accent, les tables, les chaises, les caisses de courriers s’en foutent ! On est des manutentionnaires, rien à voir avec le public ».

“Monsieur Conques dit vrai : Sabine Vorin passait parfois à la mairie”…avant qu’elle soit retrouvée morte sur son lieu de travail

Le syndicat FSU avait demandé la suspension de Didier Conques au lendemain des révélations du CJL sur les conditions de la mort de Sabine Vorin

Malgré une accumulation de témoignages, Didier CONQUES persiste à se défendre de traiter les gens selon leur couleur de peau ou leur(s) origine(s). Tandis que le syndicat SUPAP-FSU diffusait en 2018 dans les boites électroniques des agents de la Ville de Paris : « Depuis de nombreuses années des collègues se plaignent de comportements nocifs et inacceptables (harcèlement, racisme,…) au sein de la mairie du XXème émanant du Directeur Général des Services. Les syndicats ont à plusieurs reprises alerté l’administration de ces faits » 

Gageons que Didier Conques bafoué ne manquera pas d’attaquer ce syndicat avec l’avocate offerte par Mme Anne HIDALGO, la même qui fut mandatée contre Madame Bintou K. femme de ménage noire sans revenus et mère isolée qui a remporté en juin 2019 le procès l’opposant à la Mairie de Paris… 

Interrogé à la même période par Le Parisien à propos de l’affaire Sabines VORIN, le DGS déchu se défendait : 

« J’ai toujours lutté contre la discrimination. Ces accusations sont contraires à mon parcours politique et militant ! » Il insiste sur le rapport cordial qu’il entretenait avec la défunte. « Elle a travaillé dans la mairie il y a 7 ans ! Je n’étais pas son supérieur mais je me souviens d’elle comme d’une femme au caractère joyeux. Il lui arrivait encore de passer à la mairie. » 

Monsieur Conques dit vrai. Il arrivait à Sabine de passer à la mairie. Dans un enregistrement mis à la disposition du CJL, on peut entendre un collègue proche de la défunte se souvenir : 

« Il (Ndlr : Didier Conques) lui disait de partir d’ici (Ndlr : de la mairie) et quand elle (Ndlr : Sabine Vorin) venait voir ses copines, il la voyait, il disait « je ne vous ai pas déjà dit que je ne voulais plus vous voir ici, qu’est-ce que vous faîtes là ?! », (…)  Je ne sais pas si elle était venue chercher une de ses collègues (…) Elle-même, elle lui avait répondu « mais, j’ai le droit de venir dans la mairie du 20 ème. Je peux venir là comme un citoyen, une citoyenne (…) ». 

Dans le même registre, le site Streetpress relatait dans son enquête : « Carole a été fonctionnaire au cabinet de plusieurs élus de la mairie entre 2009 et 2010. Elle se souvient de « petites phrases » et de « propos racistes » du DGS (…) « J’avais bien compris qu’il n’aimait pas trop les Noirs, et les étrangers en général, c’était clair et net » 

Ce qui est en parfaite harmonie avec le vœu du email en trompe l’oeil de Monsieur Conques :  « Il nous faut veiller en permanence à ce que la mairie reste la maison du peuple, de chacun de nous ». Au vu de ses propos passés, parlait il de la maison du peuple… Blanc ?

« Didier Conques, le cancer de la Mairie » 

Si Sabine Vorin était Persona Non Grata à la mairie, Didier Conques l’était tout autant le 6 octobre 2018 aux obsèques de celle qu’il aurait surnommée « la grosse noire qui pue ». Retrouvée morte dans une bibliothèque, cette agente de ménage avait été déplacée de la mairie par son responsable pour la soustraire aux remarques du DGS. Si Didier Conques se montrait la plupart du temps condescendant à l’égard des agents, il subsistait quelques rares exceptions. En effet, ce chef garde en mémoire la réaction de Didier Conques informé de la plainte contre lui pour agressions sexuelles et harcèlement moral :

« La seule fois où je l’ai vu déstabilisé, je pense que ça devait être ça. Il m’a appelé une fois dans son bureau. On s’est isolé un peu plus loin parce qu’il y avait des secrétaires pour pas qu’elles entendent (…) puis il m’a dit : « Voilà il faut qu’on se tienne les coudes, il faut qu’on soit solidaires (…) C’est la seule fois où il a eu besoin de moi. Le fait de m’avertir, qu’il fallait que je le défende, c’était dans ses propos ». 

L’approche imminente d’un danger peut rapprocher deux individus habituellement opposés, surtout quand cette soudaine proximité peut s’avérer arrangeante pour le principal mis en cause… 

Cet ancien agent de la mairie du 20 ème arrondissement a confirmé au CJL : 

Bureau d’un militant d’extrême droite à la Mairie de Paris accusé de harcèlement raciste

« Conques allait loin, il n’hésitait pas à avoir recours au mensonge ou à inciter les agents à mentir ou à se taire. Son grand truc pour faire déplacer un fonctionnaire ? L’accuser d’alcoolisme ou d’être un drogué ! ». 

Courant 2018, les syndicats ont saisi le CHSCT (Comité d’hygiène, de Sécurité et des Conditions de Travail) suite au signalement d’une agente qui disait avoir été violentée par le DGS. Etrangement, cette fonctionnaire déclarait qu’il l’accusait d’être ivre, sollicitant l’intervention d’agents de sécurité pour l’arrêter. 

Si on peut reconnaître une qualité à Didier Conques, c’est l’équité. Son mépris, il l’aurait distribué à toutes les minorités y compris à l’Adjoint chargé du commerce, de l’artisanat et des métiers d’arts à la mairie du 20 ème arrondissement:
« A titre personnel, j’ai eu de nombreux échos de propos racistes tenus par le DGS, dont certains visaient même Martin Weiming Shi, l’adjoint au commerce de Calandra (…) »

L’Inspection Général et l’absolution du soldat CONQUES…

Toutefois, si ce sont les autres qui décrivent le mieux ses défauts, l’ex DGS admet certaines faiblesses, comme en 2014 face à l’Inspection Générale de la Mairie de Paris : 

«  J’ai ensuite suivi Mme Calandra lorsqu’elle a été élue maire du 20 ème arrondissement, comme DGS. J’ai hésité. Je trouvais que la mairie du 20 ème était une très grosse mairie (…) Je ne suis pas de la Ville. Quand je suis arrivé, on s’est opposé à mon intégration; (…) Je n’avais pas confiance ». 

Ce qui fait bondir cet agent d’origine maghrébine qui pense avoir été muté malgré sa volonté et à la demande de Didier Conques : « Visiblement, il a pris la confiance. Lisez ce rapport, il a demandé à ce que je sois licencié ! Quelle honte d’utiliser sa messagerie professionnelle pour ses chouineries personnelles. Les agents déplacés à cause de lui n’ont pas eu ce privilège ! ». 

Un autre agent interrogé par l’Inspection Générale observe: 

 «  Les questions étaient orientées, on sentait qu’ils voulaient nous guider sur la piste de l’homophobie contre Conques. Ils ont extrait une phrase d’un article du CJL  ” (…) l’agent ne prête aucune attention aux bruits qui circulent sur le compte du DGS, qu’il attribue d’abord à ce qu’il pense être des préjugés homophobes  ».

Cet(te) autre fonctionnaire confirme : «  On m’a demandé de donner les noms de collègues qui auraient tenu des propos sur l’orientation sexuelle de Conques, ce que je trouvais d’ailleurs inadapté compte tenu du prétendu objet de l’enquête ! ».

Yasmina, membre du bureau de l’association Sos Fonctionnaire Victime, analyse la situation : 

« Si ce Directeur Général des Services a plié bagages le 14 novembre, il savait qu’il ne reviendrait pas. Alors c’est quoi cette mascarade d’enquête interne ? En principe, le fonctionnaire est placé en suspension conservatoire limitée à 4 mois, dans le cas présent, il a été « affectueusement » « déchargé de ses missions » depuis 9 mois. Tout en concluant qu’affecter Didier Conques à la Direction des Espaces Verts et de l’Environnement est une réponse administrative, non une « vraie » sanction. 

Pire que tout, il semble bénéficier de la protection fonctionnelle, autrement dit, la prise en charge intégrale par la mairie des frais d’avocat pour se défendre dans les procédures intentées par des agents, et pouvoir les poursuivre en retour, y  compris contre la presse ! »

Cet ex-représentant du personnel développe son point de vue : 

 «  De la part de la Maire de Paris et  de Madame Véronique Levieux, adjointe à la mairie de Paris chargée des Ressources humaines, je trouve abject de victimiser Monsieur Conques tout en faisant passer les noirs ou les arabes pour des barbares c’est ainsi que je le conçois. Comment comprenez-vous la formule « Monsieur Conques a été jeté en pâture »  employée par la Mairie de Paris elle-même ? « Pâture »  vient du latin « pastura » la nourriture donnée aux animaux d’élevages. Une fois de plus, et ce n’est pas anodin, Mme Levieux va utiliser cette même expression dans l’affaire de l’affiche du Front de Libération du Cochon.

Madame Levieux pour répondre à Mme Danielle Simonnet argue aussi que la Commission Administrative Paritaire en avait décidé ainsi*. Depuis quand Mme Levieux respecte l’avis de la CAP ? Uniquement quand ça l’arrange. La CAP a voté unanimement contre la rétrogradation d’une directrice de crèche dénonçant des maltraitances, pourtant la Mairie de Paris est passée outre l’avis de la CAP en faveur de la directrice… Dans le privé Conques aurait été viré sans indemnités puis déféré devant un juge!» poursuit l’ex représentant du personnel.

Enfin, comme le soulignait un adjoint administratif : 

« Vous aurez remarqué qu’il dépose principalement plainte, excusez-moi du terme, contre des arabes » et des noirs. Décidément… », alors que de son côté cette cadre à la mairie de Paris note: « D’ailleurs des noms « à consonances » sont licenciés ou sanctionnés ces derniers temps ». 

Le Directeur du CJL Yasser Louati est sous le coup de deux enquêtes diligentées par les mairies du XX et l’hôtel de ville de Paris

Il est vrai que ni Le Parisien, ni Streetpress n’ont été visés par une plainte déposée par Didier Conques. Pourtant le CJL en est bien la cible avec mobilisation de la Brigade de Repression des Délits contre les Personnes (BRDP) pour avoir publié sa série d’enquêtes sur les dysfonctionnements de la Mairie de Paris et de l’Hôtel de Ville.

Malgré les témoignages d’agents municipaux, les déclarations de souffrance auprès de la médecine du travail, les révélations de nombreux médias, les accusations de harcèlement moral, le racisme ambiant, les discriminations en série dénoncées, les alertes des syndicats, les plaintes en justice, tout cela n’est que pur mensonge et invention voire un complot selon le principal accusé – Didier Conques – et la Mairie de Paris… du même bord politique. 

La gestion du cas Didier Conques par la Mairie de Paris du Vingtième arrondissement est peut être un cas d’école sur le fonctionnement opaque au sein des administrations. Le CJL a depuis les révélations sur la mort de Sabine Vorin été approché par d’autres agents en souffrance alors que les accusés sont protégés par la hiérarchie de l’Hôtel de Ville comme en témoigne le cas de Karim Bouhous, agent reconnu handicapé et licencié après avoir été harcelé par son supérieur, militant d’extrême droite sous Anne Hidalgo, maire de “gauche”.

Les agents révoqués, sanctionnés où déplacés par Didier CONQUES auraient aimé jouir de la même mansuétude, d’autant qu’aucun d’entre eux n’a commis d’infractions aussi graves que celles qui sont reprochées au tout nouveau Chef de Mission de la DEVE.