par Yasser Louati, président du CJL

Qui sont les Ouïghours? Il y a une dizaine d’années, peu de gens pouvaient répondre à cette question.

Mais aujourd’hui, nous sommes passés de peu d’information à leur sujet à une série de reportages, d’enquêtes, de révélations et d’images satellites qui nous mettent face à une réalité indéniable: le régime chinois est en train d’éradiquer ce peuple.

La région jouissait d’une relative autonomie et la République du Turkestan Oriental fut même proclamée à deux reprises. Une première fois en 1933 puis une deuxième fois en 1944 afin de résister au nationalisme chinois et la sinisation forcée de la région qui a duré jusqu’à l’annexion forcée de la région par la Chine communiste en 1949.

 D’un point de vue historique, ethnique et linguistique, les Ouïghours), peuple turcophone, musulmans sunnite et établi depuis des siècles (millénaires, en Asie centrale) dans une zone frontalière avec huit pays, ne font pas partie de la Chine dont les Han représentent l’ethnie majoritaire. Lorsqu’en 1949 Mao Zedong annexe militairement le Turkestan oriental, il reprend la sinisation forcée de la région et de ses habitants en commençant par l’interdiction du culte musulman et la destruction de ses symboles visibles tels les copies du Coran ou les mosquées et en punissant publiquement les personnes surprises en train de prier.

Le Turkestan Oriental

A l’image de l’occupation française en Algérie ou sioniste en Palestine, des milliers de colons Han, ethnie majoritaire en Chine, ont été payés pour aller vivre au Turkestan Oriental afin d’en faire une colonie de peuplement et ainsi transformer la démographie de la région au profit du parti communiste chinois.

Selon l’anthropologue Darren Byler de l’Université de Washington, la colonisation du Turkestan Oriental a  fait augmenter la population de 1000% depuis les années 1950.  Quant à l’exploitation des ressources naturelles de la région, elle se fait par la migration de travailleurs Han venus de l’Est et travaillant pour le compte du groupe paramilitaire (Corps de production et de construction du Xinjiang” plus connu sous le nom de Bingtuan qui s’accapare les terres des habitants au profit du parti communiste chinois. 

Cette colonisation du Turkestan Oriental n’a rien à envier à d’autres entreprises coloniales. Bien que 41% du territoire -soit 68 millions d’hectares- sont des terres arables, que ce même territoire peut couvrir à lui seule 38% de la consommation de charbon et 25% de la consommation  réserves de pétrole, seuls les colons chinois profitent de cette manne financière et non pas les Oïghours (Ouïghours), qui profitent…grâce au Bingtouan du régime chinois. Les Oïghours, eux se retrouvent non seulement dépossédés de leurs ressources mais aussi réduits à vivre en étranger sur leurs propres terres.

Paradoxe insupportable à bien des égards, c’est de voir les Han s’enrichir et faire augmenter le coût de la vie alors que les Oïghours s’enfoncent dans la pauvreté car incapables de suivre la hausse des prix, alimentée par la richesse produite grâce à leurs propres ressources…qui leur sont interdites.

Parce que la colonisation du Turkestan Oriental et le pillage de ses ressources naturelles par une puissance étrangère et un traitement raciste dans tous les aspects de la vie a engendré une réaction naturelle et légitime des Oïghours, le régime chinois s’est donc attelé à non seulement écraser dans le sang toute rébellion mais à aller bien au-delà en éradiquant ce qui fait le socle de toute tout peuple, son histoire, sa culture et son identité.

Aujourd’hui le port du foulard est interdit aux femmes musulmanes, le port de la barbe interdit aux hommes afin d’interdire l’espace public à toute expression de leur identité (religieuse). Même dans la sphère privée, le régime chinois ne se prive de rien. Le jeûne du mois de ramadan, l’éducation religieuse et la transmission de la mémoire Oïghours sont interdits. Même le Coran a été modifié pour qu’une version approuvée par le parti  communiste soit redistribuée aux habitants. (Tous les livres en ouïghour, publiés pourtant avec la censure officielle, sont confisqués et brûlés, dont tous les livres religieux.)

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Des femmes sont mariées de force à des Han, des mosquées historiques sont détruites (ou transformés en lieu de divertissement) selon le bon vouloir des autorités locales et chaque famille est mise sous la tutelle d’un membre du parti communiste chinois qui peut débarquer à tout moment (ou réside même avec eux jusqu’à partager le lit des femmes dont les maris sont souvent arrêtés) pour s’assurer du mode de vie au sein du foyer et même de l’endoctrinement des enfants.

Humiliation suprême et avant que le régime ne se décide à fermer les mosquées, lorsqu’un Oïghour se rendait à la mosquée, il devait d’abord se faire scanner la rétine puis prier devant le drapeau chinois et la photo de Xi Jinping.

Chen Quanguo, ancien secrétaire du Parti communiste chinois au Tibet au Turkestan Oriental

La répression s’est empirée avec l’arrivée de Chen Quanguo. Ce dernier avait maté dans le sang le Tibet et  fut nommé à la tête de la province d’appliquer son savoir faire acquis sur le dos des boudhistes tibétains. 

“The Age of Surveillance Capitalism”, Shoshana Zuboff

Ici en Europe ou en Amérique du Nord, nous avons une responsabilité directe dans la colonisation du Turkestan Oriental et le génocide culturel en cours. Comme le rapporte, l’économiste Shoshana Zuboff professeure émérite à la Harvard Business School, nos données en lignes, collectées en masse et utilisées à l’échelle industrielle, servent à enrichir les bases de données et l’intelligence artificielle des systèmes de surveillance chinois. 

Nos comportements en lignes servent donc à alimenter les systèmes de reconnaissance faciale, à perfectionner la surveillance en temps réel mais aussi à prédire les comportements humains et donc, à contrôler les êtres humains même dans leur intimité: enregistrement de leur ADN, installation d’application d’espionnage dans leurs téléphones. Toutes ces informations sont ensuite utilisées afin d’établir une carte d’identité individuelle et une note selon qu’ils sont jugés bons ou mauvais citoyens.

Les Oïghours sont en ce moment, les cobayes du capitalisme de masse au service du communisme chinois, le tout, grâce aux géants du net comme Facebook ou Google (mais surtout les sociétés chinoises de télécommunication comme Huawei et Xiaomei). Près de 176 milliards de dollars avaient été dépensés par la Chine pour la surveillance de son territoire et le Turkestan Oriental n’est que le laboratoire de perfectionnement de cette surveillance et nous ne pouvons regarder ailleurs en espérant que cet épisode passera. L’épisode Oïghour se terminera par l’éradication d’un peuple avec le silence complice du monde entier.

Si ces systèmes de surveillance ne parviennent pas à briser une personne, alors elle est envoyée dans un des 1400 camps de concentration éparpillés à travers le Turkestan Oriental afin d’y être soumis à un processus de lavage de cerveau, de torture, d’endoctrinement afin de “reprogrammer” ces personne en de bons et loyaux serviteurs du régime communiste chinois. 

A la croisée du capitalisme et de l’esclavage, la Chine a su attirer de grandes marques occidentales (Disney, Adidas, Ralph Lauren, Tommy Hilfiger and Nike) afin de tirer profit de ces camps de concentration qui servent aussi de camps de travail.

En Décembre 2018 l’Associated Press avait révélé que des grandes entreprises avaient profité du travail forcé des Oïghours ou du pillage de leurs ressources pour produire à moindre coût, aux plus grand bénéfice des actionnaires et des consommateurs ici en Europe et ailleurs en Amérique du Nord.

Entre un et demi et trois millions de personnes sont actuellement enfermées dans ces camps de concentration que le régime chinois a renommé: “Camps de rééducation et de formation professionnelle”. 

Dr Tashpolat Tayyip lors de sa remise de diplôme à l’École Pratique des Hautes Études

Jusqu’en 2017 le professeur Tashpolat Tiyip était un intellectuel exemplaire, respecté par ses paires paires au niveau mondial et président l’Université de L’université du Xinjiang où il était aussi professeur de géographie. Accusé de séparatisme, plus personne n’a eu de ses nouvelles après son interdiction de quitter le territoire (arrestation en mai 2017, pour apparaître dans une vidéo de propagande de la Chine, un an plus tard, dans laquelle on apprend sa condamnation à mort avec deux ans de sursis.). Sa famille et ses proches craignent que l’accusation portée contre lui par le régime ne lui ait été fatale et qu’il n’ait été exécuté.

Si un Oïghour de renommée mondiale a pu être enlevé et probablement exécuté, qu’en est il des autres qui subissent dans un silence assourdissant?

Le taux démographique de la population Ouighour a chuté de 84% selon le Journal of Political Risks

Cette éradication de l’identité Ouïghour porte déjà ses fruits, et de manière dramatique. Selon les nouvelles révélations “Journal For Political Risks”, entre 2015-2018, le taux démographique des Ouïghours a chuté de 84%. Oui, 84%.

Malgré les démentis des porte-parole du régime chinois, les preuves sont accablantes: les images satellites, les témoignages des rescapés et les différentes enquêtes publiées par différents médias d’investigations ont été corroborés par les 400 pages de documents officiels ayant fuité et qui confirment que les ordres de Xi Jinping sont claires “Ne montrez absolument aucune pitié dans la répression”. 

Nous avons là une tous les éléments pour parler d’un génocide en cours et personne ne pourra dire “je ne savais pas”.

L’Europe a déjà été le théâtre de multiples génocides commis envers les juifs et des tziganes alors que ses dirigeants fermaient les yeux sur ce qui se passait. Cinquante ans plus tard, les dirigeants européens et nord américains se sont à nouveau tus pendant le génocide des musulmans de Bosnie à Srebrenica et ces même leaders du “monde libre” ont contin ué de se taire alors qu’un autre génocide avait lieu au Rwanda dans une tentative d’éradication des Tutsi.

Beaucoup seraient tentés de de penser que cette islamophobie extrême du régime chinois ne concerne que les musulmans, que ce serait à eux de se mobiliser en premier, mais lorsqu’on voit que bien des pays à majorité musulmane soutiennent la Chine dans sa tentative d’éradication des musulmans Ouïghours.

Notre histoire contemporaine nous enseigne que si les citoyens se taisent, les dirigeants n’ont aucune raison de prendre la parole et encore moins de faire preuve de courage politique.

Les Ouïghours n’ont pas besoin de notre pitié mais que nous prenions nos responsabilités et que nous cessions de faire durer le silence qui ne profite qu’au régime communiste chinois.

L’urgence pour sauver le peuple Ouïghours est absolue et les pistes  d’actions sont à portée de tous:

  1. Financer la résistance culturelle Ouïghour en soutenant le projet d’Institut Oïghour d’Europe.

Porté par la sociologue Dilnur Reyhan, ce projet est incontournable et requiert notre total soutient pour mettre en échec le génocide culturel entrepris par le régime chinois.

Le CJL est entièrement solidaire de ce projet et nous sommes mis à disposition pour partager nos moyens pour qu’il voit le jour. 

Le CJL appelle au boycott des marques Huawei, Xiaomi, Lenovo, Alibaba et le “made in China”

2) Boycotter les marques phares du régime chinois à savoir:

Le fabriquant de téléphones Huawei et Xiaomi, le fabriquant d’ordinateurs LENOVO, le distributeurs en ligne ALIBABA et parce que le secteur du textile profite du travail forcé des Ouïghours dans les camps de concentration, boycottez le “MADE IN CHINA”. (84% de produits textiles, notamment du coton, y compris ceux qui sont exportés à l’étranger, proviennent de la Région ouïghoure). 

Le régime chinois s’est montré très sensible au sujet de Huawei, accusé d’espionnage industriel et de mauvais traitements sur ses propres ingénieurs

Le régime chinois est très susceptible voir même fébrile. Les violentes réactions en défense de Huawei, sa réaction au tweet du joueur Mezut Ozil ou les accusations de Fake news au sujet des camps de concentration ne sont que des aveux de faiblesse.

Le régime chinois a violemment réagit au tweet du jouer Mesut Özil au sujet des camps de concentration en Chine

Par ailleurs, si 400 pages de documents confidentiels du régimes chinois ont été transmis à la presse, c’est bien que même pour les officiels du régimes chinois qui sont loin d’être des défenseurs des droits humains, Xi Jinping va beaucoup beaucoup trop loin.

Mon nom est Yasser Louati et je m’adresse à vous au nom du CJL pour soutenir le projet de l’Institut Ouïghour d’Europe et son initiatrice Dilnur Reyhan qui prend des risques énormes en défiant le régime chinois, au nom de la survie de son peuple.

Peu importe ce que vous donnerez, votre aide compte. Si vous ne pouvez rien donner, alors relayez cette vidéo et incitez d’autres personnes de votre entourage à le faire. Je vous remercie pour eux.