C’est auréolé d’une victoire spectaculaire contre la deuxième puissance coloniale de la planète que le peuple algérien se lance, au lendemain de son indépendance dans la reconstruction d’une nation débarrassée de la misère et du sous développement.


Mais le pays n’en est pas moins sorti exsangue et meurtri par 132 ans d’oppression coloniale et 8 ans de guerre.


Les défis sont immenses : la mortalité infantile est élevée, l’analphabétisme touche plus de 90% de la population et le pays est amputé de ses forces vives et plus particulièrement de ses cadres les plus compétents, souvent fauchés à la fleur de l’âge pendant la guerre de libération.


En dépit de ce lourd héritage principalement traumatique, l’Algérie parvient à sortir son peuple de la misère sociale, à débarrasser ses régions les plus reculées des maladies infectieuses et à produire un nombre considérable d’ingénieurs, de médecins et de cadres en une génération.

L’économiste Omar Benderra, aujourd’hui consultant et membre du Centre For North African Studies de l’université de Cambridge, est l’incarnation de cette élite intellectuelle exclusivement formée dans le système scolaire et universitaire algérien.


C’est en sa compagnie que nous reviendrons sur les performances économiques qui ont marqué le début des années 70 et les mécanismes bureaucratiques et autoritaires qui ont entrainé l’Algérie vers le naufrage que l’on connait aujourd’hui.

Au delà de son expertise économique, O. Benderra parle aussi du conflit mémoriel qui oppose l’Algérie à son ancienne puissance coloniale et de la place qu’occupe aujourd’hui le pays dans un monde arabe marqué par une vague de normalisation avec Israël.

Omar Benderra a dirigé la banque publique le Crédit Populaire d’Algérie au début des années 90 et a été le bras droit du ministre de l’économie Ghazi Hidouci, cheville ouvrière des réformes économiques entamées sous le gouvernement de Mouloud Hamrouche. Il s’agissait alors de débureaucratiser l’économie algérienne, dynamiser son industrie et sortir le pays de sa position de mono exportateur.
Des réformes brutalement interrompues par le coup d’état des généraux survenu en janvier 1992 et qui plonge le pays dans l’une de ses pages les plus noires de son histoire.

Omar Benderra

30 ans après sa guerre de libération, l’Algérie bascule dans la guerre civile –Benderra préfère parler de « guerre contre les civils »- ses cadres les plus compétents sont jetés en prison et les autres prennent le chemin de l’exil. Pour la seule décennie 90, c’est plus d’un demi million d’entre eux qui quitteront le pays. Le pays est confronté à une véritable hémorragie des cerveaux sans que le régime ne cherche la moindre solution pour l’endiguer.

C’est dans ce contexte qu’Omar Benderra, directement menacé par la junte militaire, choisit de quitter un pays qu’il avait, jusque là, servi avec probité et honnêteté.

Bien qu’en exil depuis près de 30 ans, O. Benderra, reste un observateur avisé de ce qui fait figure de vie politique en Algérie. Il collabore activement avec le site d’information Algeria-watch où il a publié de nombreux articles et a dirigé un ouvrage collectif consacré au Hirak, « Hirak, l’invention d’un soulèvement » paru aux éditions La Fabrique.