Extrait de la conférence: Lutter contre toute domination, de la dénonciation à l’action

« On domine parce qu’on le peut » Yasser Louati du #CJL

I.On domine parce qu’on le peut:

S’exprimant sur l’état du mouvement de libération noire en Amérique, Malcolm X avait dit:

« La plus grande erreur du mouvement a été d’essayer d’organiser un peuple endormi autour d’objectifs précis. Commencez d’abord par réveiller les gens, puis vous vous pourrez passer à l’action. »


Avant de pouvoir dominer une personne ou un groupe de personnes, le premier réflexe c’est de se demander si c’est possible.

Une fois qu’on pense que c’est possible, on se donne des raisons de le faire. Peu importe que ces raisons soient bonnes ou mauvaise tant que cette domination est dans “mon intérêt”.

Avant de s’engager dans une entreprise de domination, il faut aussi se la justifier à soi même et aux autres, lui donner une assise et une justification morale, expliquer que dominer les autres, c’est dans l’intérêt de tout le monde.

Comme le disait Jules Ferry, homme de gauche, considéré comme “progressiste” et père de l’école publique, qui a été tour à tour, maire de Paris, ministre de l’instruction et même président du Sénat:

 “Je répète qu’il y a pour les races supérieures un droit, parce qu’il y a un devoir pour elles. Elles ont le devoir de civiliser les races inférieures”.

Cette déclaration, il ne l’a pas faite dans la taverne du coin mais au coeur de la République Française, c’est à dire au sein même de l’assemblée nationale,  le 28 Juillet 1881.

Alexis de Tocqueville, un autre homme de gauche qui a aussi été député, fameux penseur qu’on étudie au lycée de la République, écrivait de son côté:

 » J’ai souvent entendu en France des hommes que je respecte, mais que je n’approuve pas, trouver mauvais qu’on brûlât les moissons, qu’on vidât les silos et enfin qu’on s’emparât des hommes sans armes, des femmes et des enfants.

Ce sont là, suivant moi, des nécessités fâcheuses, mais auxquelles tout peuple qui voudra faire la guerre aux Arabes sera obligé de se soumettre. 

 » Et le même d’ajouter, après ces recommandations délicates :  » Quoi qu’il en soit, on peut dire d’une manière générale que toutes les libertés politiques doivent être suspendues en Algérie. “ (travail sur l’Algérie, Alexis de Tocqueville)

Je les cite pour vous donner une idée de l’imaginaire collectif que nous sommes sensés partager.

Cette justification de la domination, commence donc par la déshumanisation de celles et ceux qu’on veut dominer.

On le fait en accusant leur couleur de peau, leur religion, leur culture, leur origine ethnique, leur genre ou leur classe sociale, d’être la raison de leur infériorité et donc de la nécessité de les dominer.

La République Française depuis sa proclamation après la Révolution a déjà été structurée par des rapports de domination et concernant les populations non blanches, la République a toujours été une république coloniale.

On peut bien sûr évoquer les grands principes républicains pour rassurer sa bonne conscience, ou bien on peut prendre le CV de la république et juger sur pièce. 

Certes il y a ces idéaux républicains de liberté et d’égalité, et de fraternité, d’État de droit, de droits de l’homme, de séparation de pouvoir et de refus de la tyrannie, mais concernant celles et ceux qu’on appelle les musulmans, les noirs, les Rroms et toutes les minorités non blanches, cette promesse est une promesse non tenue au mieux, un mensonge au pire.

On peut aussi citer le siècle des lumières comme siècle d’émancipation de l’individu et la proclamation d’idéaux de liberté.

Mais pendant ce siècle des lumières, l’esclavage lui continuait entre l’Europe, l’Afrique et les Amériques.

Ce siècle des lumières n’a pas non plus mis un terme au génocide des indiens d’Amérique ni empêché l’Europe de convoiter le continent Africain, ses ressources et ses habitants. 

Le siècle des lumières a peut être libéré l’homme blanc mais il a d’abord déshumanisé ceux qui ne le sont pas avant de justifier leur exploitation voir leur extermination.

Je remonte au XIXè pour que chacun parmi vous ici présent fasse le lien entre l’histoire de ce pays, son imaginaire collectif et ce qui se passe aujourd’hui.

Hier on a pleuré les morts des deux attentats islamophobes à Christchurch en Nouvelle Zélande qui ont fait 49 morts. Mais est ce que c’était une surprise? 

Me concernant absolument pas. Nous vivons dans des sociétés structurées par le racisme et la violence qui cible les individus pour ce qu’ils sont. Et cette violence n’est jamais isolée.