Si si, c’est bien le général algérien Gaïd Salah avec le prince héritier et ministre de la défense d’Abou Dabi Mohammed Bin Zayed, plus connu sous le sigle MBZ. A ne pas confondre avec son poulain Saoudien MBS

On pourrait croire qu’il ne s’agit là que d’une visite de courtoisie ou de travail. Après tout le Général algérien était à Dubaï pour le salon de l’armement IDEX 2019 en Janvier dernier et ne pouvait pas ne pas rencontrer les figures du régime sur place. Mais cette photo pourrait être de mauvais augure pour l’Algérie alors que les manifestations ne faiblissent pas pour exiger des élections transparentes et un regain de souveraineté populaire.

Pour beaucoup, les Emirats, c’est Dubaï, ses palaces, son Burj Khalifa, ses plages, ses grattes ciels, la compagnie Emirates, l’argent, l’or, la folie des grandeurs et la terre promise du consumérisme occidental.

Mais derrière le mirage du bling bling, il y a les geôles où des centaines de prisonniers politiques sont torturés:

_Au sein même du Siège de la Sûreté de l’Etat dans la ville d’Al Ain au Sud d’Abu Dhabi

_Dans la ville de Sweihan

_Ou encore dans la prison d’Umm Annar pour ne citer que quelques unes

Et, pour des millions d’autres personnes, les Emirats, c’est aussi l’ingérence dans les affaires internes de leur pays qui ont été déstabilisés voir même détruits comme peuvent en témoigner le Yemen, la Syrie, l’Egypte, la Lybie ou la Tunisie qui continue, bon gré mal gré de de résister.

C’est sous le leadership de cet homme Mohammed Bin Zayed Al Nahyan que les Emirats Arabes Unis se sont activés pour faire échouer toute marche vers la démocratie dans le monde arabe. L’objectif étant de maintenir la tyrannie à coup de milliards de dollars pour ne pas que le peuple Émirati se soulève à son tour.

Avant de répondre à la question “pourquoi cette politique étrangère?”, il faut d’abord prendre conscience que les Emirats Arabes Unis sont un pays composé de 7 Emirats ayant chacun leur propre prince que personne n’a élu et qui dirige son émirat comme bon lui semble.

Au niveau national, le pays est dirigé d’une main de fer par la famille Al Nahyan qui se partage le pouvoir, un peu comme son voisin sous le régime des Saouds.

Vous devinez donc que les Emirats Arabes Unis sont l’antithèse de ce que peut être une démocratie où prospèrent la souveraineté populaire, l’État de Droit, les droits humains et les libertés publiques. 

Parce que les révolutions qu’on appelle le Printemps Arabe ont redonné confiance aux habitants de la région qui ont fait tomber plusieurs de leurs bourreaux, le régime Émirati est terrorisé à li’dée de voir son peuple en faire de même et réclamer des choses aussi inimaginables que de vivre libres sans craindre l’arbitraire d’une dictature.

Le premier pays a avoir été ciblé par la vengeance des Emirats, c’est la Tunisie, premier pays à avoir fait tomber la dictature en place et celui qui a inspiré des millions de citoyens à travers le monde.

Les troubles traversés par ce pays en ce moment, ne sont pas les fruits du hasard et l’enlisement de la transition démocratique est bien le fruit d’une ingérence étrangère, et non pas d’une incapacité quelconque du peuple tunisien. 

Dans un document titré “Stratégie Tunisienne des Émirats” publié par le Centre d’Etudes Politiques de Dubaï, plus précisément par son Unité des Études du Maghreb, on découvre sans grande surprise que le pays a bien pour objectif de déstabiliser la Tunisie afin de faire échouer la transition démocratique et de financer l’installation d’un régime au service des intérêts d’Abou Dhabi, comprenez, les intérêts de la famille régnante Al Nahyan.

Le voisin algérien avait déjà averti que les Émirats Arabes cherchaient à s’ingérer dans la sécurité tunisienne afin de déstabiliser le pays. Deux semaines après cet avertissement, un kamikaze s’était fait exploser dans un bus à Tunis. On comptera 14 morts et des dizaines de blessés.

Deux ans plus tard, les Émirats provoquent une nouvelle crise avec la Tunisie. Cette fois ci, c’est la compagnie aérienne Emirates qui prend le relais et interdit à toutes les femmes tunisiennes de monter à bord où qu’elles soient, en transit ou au départ. 

Il a fallu que l’ambassadeur des Emirats à Tunis soit convoqué pour que l’interdiction soit levée. Le but de cette manoeuvre? Personne ne sait vraiment.

Au Yemen, Mohammed Bin Zayed, accompagné de son acolyte Mohammed Bin Salman, a littéralement financé la destruction du pays en soutenant le dictateur Ali Abdallah Saleh qui faisait face à une contestation populaire. Les Émirats y ont d’ailleurs constitué un réseau de prisons secrètes, pas moins de 18, où les détenus sont soumis aux actes de torture les plus inhumains.

Depuis le début de l’intervention militaire de la coalition menée par l’Arabie Saoudite et dont font partie les Émirats, près de 100 000 civils ont été tués, plus d’un millions ont été contaminés par le choléra et une famine a déjà tué 80,000 enfants. 

Nous concernant ici en France, l’ingérence Emiratie s’est faite en 2014 via l’ambassade des Emirats à Paris qui a envoyé un émissaire pour rencontrer Marine Le Pen, et lui proposer de financer sa campagne présidentielle de 2017. 

Pourquoi Marine Le Pen? Parce que tout comme les Émirats redoutent la chute des régimes despotiques du monde arabe qui pourraient précipiter la leur, Mohammed Bin Zayed n’imagine pas un instant que les communautés musulmanes d’Europe ou d’Amérique du Nord puissent s’organiser socialement et/ou politiquement et ainsi servir de modèle à la population des Émirats.

Le soutien à Marine Le Pen s’est par ailleurs fait en parallèle du financement d’organisations  suprémacistes blanches en Europe et en Amérique du Nord, du soutien Emirati à la droite islamophobe américaine via l’ambassadeur des Emirats à Washington Youssel Al Otaiba, sans oublier bien sûr la Grande Bretagne où ce travaille d’ingérence est coordonné par le lobbyiste Anwar Gargash et son assistante Lana Nusseibeh,


Soutenir les islamophobes d’Europe comme on le voit en France ou ailleurs au Royaume Uni ou encore aux États-Unis, signifie soutenir les premiers ennemis des communautés musulmanes et donc, la normalisation de l’islamophobie qui rendrait impossible leur émancipation. 

Ainsi, les Emirats ont non seulement proposé à Marine Le Pen leur aide fiancière pour sa campagne présidentielle mais aussi financé son voyage en Egypte pour y rencontrer le Premier Ministre Ibrahim Mahlab, le chef d’Al Azhar Ahmed al-Tayeb et y affirmer son soutien au dictateur Abdel Fattah Al Sissi qui a, ne l’oublions pas, renversé le premier président Egyptien démocratiquement élu Mohammed Morsy en 2013.

Selon des enregistrements fuités et publiés par le New York Times, les manifestations qui avaient mené au coup d’état, avaient été financée par les Emirats Arabes Unis.

Pour avoir apporté son soutien au Président  Mohammed  Morsy, la Turquie a elle, été visée par une tentative de coup d’état le 15 Juillet 2017 qui, malgré son échec, a fait 300 morts et plus de 2000 blessés parmi les civiles. Selon le gouvernement Turque, 3 milliards avaient été dépensés par les Emirats pour punir la Turquie de ce soutien.

La réussite du coup d’État en Egypte et donc de la contre révolution a motivé les Emirats à s’ingérer dans le pays voisin, la Lybie, entretenant le chaos post Khaddafi par un investissement massif dans la milice portée par le Général Khalifa Haftar qui a lui même participé au coup d’État ayant porté Khaddafi au pouvoir. Après la destruction de la Lybie par la France et le Royaume Uni, les Emirats y sont donc allés assurer le service après vente.

L’autre levier utilisé par les Émirats comme tous les despotes du monde arabe, c’est de mobiliser l’establishment religieux et promouvoir un islam qui interdit les manifestations et appelle à l’obéissance aveugle aux dirigeants . 

Ce n’est donc pas un hasard, si ce courant est promu aussi bien par les dictatures du monde arabe, que par la France qui y voit un moyen de pacifier les musulmans face au racisme.

Concernant l’Algérie aujourd’hui et les manifestations historiques qui s’y déroulent, les Emirats ne sont pas en reste et on a pu voir des prédicateurs faire un chantage au chaos, à la fitna, au désordre voire même à la guerre civile si ces manifestations devaient durer. D’ailleurs le général Gaïd Salah avait lui même menacé les manifestants Algériens en citant un verset du Coran. 

Cette démarche est loin d’être nouvelle.

En Tunisie, alors que la rue grondait et que le dictateur Ben Ali était sur le point de tomber, il y avait encore des responsables religieux, payés par l’État bien sûr, pour condamner les manifestations mais pas l’injustice permanente qui les a déclenchées.

Il est tout de même surprenant de ne pas voir ces personnes appeler les despotes à la retenue ou à écouter leurs peuples. On ne les entend d’ailleurs pas condamner les régimes qui financent les contre révolutions comme celui des Émirats ou de l’Arabie Saoudite. 

Le chaos promis par ces figures religieuses n’est pas le fruit de la volonté d’être libre mais de la volonté d’empêcher un peuple de prendre en main son destin.

La rencontre entre le général Gaid Salah avec l’architecte des contre révolutions et des coups d’État va t elle aboutir à faire échouer les manifestations Algériennes? 

L’Algérie est aujourd’hui à la croisée des chemins et une ingérence des Émirats serait de très très mauvais augure comme en témoignent les premiers pays du Printemps Arabe.

Ce sont les Algériens qui écrivent aujourd’hui la deuxième page du Printemps Arabe. Après avoir arraché leur liberté à la France, je doute qu’ils laisseront leur pays devenir le terrain de jeu des Émirats.

Avec cette menace, les manifestations parisiennes ne devraient peut être pas se tenir place de la république mais devant l’ambassade des Emirats à Paris pour leur signifier de ne pas toucher à l’Algérie.

Avec son CV, Mohammed Bin Zayed est parmi les premier ennemis de la rue algérienne; mais si sa politique étrangère a buté sur la Tunisie, on peut raisonnablement espérer qu’elle sera piétinée en Algérie.

#HandsOffAlgeria